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Ramenez le code vestimentaire de la NBA… pour les entraîneurs

Nous vous supplions – gardez les polos et les chandails à fermeture à glissière pour l'entraînement et rehaussez votre tenue avec un complet pour le match.

Par: Marc RichardsonDate: 2021-10-28

Le 19 novembre 2004, les Pistons de Detroit accusaient un retard de 15 points derrière les Pacers d’Indiana avec moins d’une minute à jouer avant la fin de la partie. Le pivot Ben Wallace des Pistons fut victime d’une faute de contact brutale par l’ailier Ron Artest des Pacers. En quelques secondes, une bagarre éclata entre les Pistons et les Pacers, qui se répandit jusque dans les gradins, où Artest bouscula un fan qui lui avait lancé un verre. À la fin, les spectateurs et les joueurs en étaient venus aux coups et la NBA avait affaire à une situation potentiellement catastrophique : cinq joueurs faisaient face à des accusations de voies de faits, un match avait été arrêté prématurément, neuf joueurs furent suspendus pour un total de 146 matchs, et tous, des mordus de basketball aux gens qui n’avaient jamais vu de match, avaient désormais cette scène en tête en pensant à la mi-temps de la NBA.

La NBA réagissa en renforçant la sécurité lors des matchs et en limitant la vente d’alcool aux spectateurs – deux décisions sensées. Cependant, l’une des réponses les plus curieuses de leur part prit la forme d’un code vestimentaire pour les joueurs à l'échelle de l’association, une première pour une ligue majeure sportive professionnelle. Instauré avant la saison 2005-2006, le code vestimentaire imposa aux joueurs le port de vêtements d’affaires décontractés pour arriver et partir des matchs ou pour prendre part aux affaires officielles de la ligue.

Le code vestimentaire a subi d'énormes contrecoups et avec raison. Non seulement plusieurs joueurs – dont Allen Iverson notamment – estimaient que le code limitait leur capacité de s’exprimer à travers les vêtements, mais ils dénonçaient également les connotations racistes des lignes directrices : la culture hip-hop à prédominance noire et les vêtements qui y sont associés furent considérés comme irrémédiablement mauvais, et dans le contexte de « Malice at the Palace », à la racine du problème d’image de la NBA.

Au cours des dernières années, le code vestimentaire de la NBA est devenu moins contesté. D'abord, presque tous les joueurs qui étaient dans l’association lorsque le code a été imposé pour la saison 2005-2006 ont depuis pris leur retraite. Les joueurs actuels n’ont pratiquement jamais connu le code et même le fait que les joueurs avaient fini par l’adopter avec un certain plaisir. Des joueurs tels LeBron James et Dwyane Wade ont su normaliser le port ludique du complet en incorporant des couleurs vibrantes, des coupes audacieuses et même l’occasionnel look de la tête aux pieds de Thom Browne. Parallèlement, un nouveau commissaire à la tête de l'association ainsi qu’une évolution du style à travers le monde ont conduit à un assouplissement du code vestimentaire, avec des pièces de designers plus décontractées jugées acceptables. Le mélange éclectique du style personnel et du pouvoir de star des joueurs a transformé le tunnel des arénas de la NBA en l’une des nouvelles frontières de la mode masculine, où les collaborations de baskets, le style de rue du dernier créateur, la mode et les complets haut de gamme sont tous exposés pour être vus par le monde entier.

Parmi tous les changements dans la tenue des joueurs, une chose est restée relativement constante : les entraîneurs continuent de porter des complets – pas toujours avec une cravate ni de très beaux choix, mais, quand même – comme ils l’ont toujours fait depuis les débuts de la NBA.

Mais c'était avant l'arrivée de la COVID-19 et l’association est entrée littéralement dans sa bulle proverbiale, permettant autant aux joueurs qu’aux entraîneurs de porter ce qu’ils voulaient. Pour les entraîneurs, cela signifiait le genre de vêtements mous qu’ils portaient habituellement pour l'entraînement ou les matchs de pré-saison : un chandail de l'équipe à fermeture à glissière avec des pantalons kaki – ou pour les très audacieux – un polo de l'équipe avec des pantalons kaki. Cela avait du sens dans un contexte temporaire. Tout le reste du monde travaillait de la maison dans des vêtements résolument plus décontractés, et les sièges derrière les entraîneurs étaient vides – franchement, les complets cravates auraient semblé un peu déplacés. Cet argument a tenu également pour la saison dernière, alors que les équipes retournaient dans leurs arénas à domicile – certains vides, d’autres à moitié pleins, et d’autres presque remplis vers la fin de la saison – et la NBA a permis aux entraîneurs une saison supplémentaire de relâchement vestimentaire.

Au moins c'était censé être pour une seule saison de plus. Sauf que maintenant, il semble que le relâchement se prolonge encore pour une autre saison, les polos mal ajustés et les chandails à fermeture à glissière prêts pour le chalet pointent à l’horizon avec la NBA permettant aux entraîneurs de garder le look décontracté.

La NBA a une longue histoire d'entraîneurs stylés et l'idée même que cela soit une chose du passé est pour le moins regrettable.

Feu Red Auerbach, entraîneur légendaire et président des Celtics de Boston, était célèbre pour ses victoires, mais également pour ses cigares et ses complets qui lui donnaient un style inimitable et sans effort. Auerbach se présentait aux matchs, au propre comme au figuré. Il arborait des complets criards à carreaux, du tweed preppy, et même l’occasionnel complet trois pièces, avec le mouchoir de poche et la pince à cravate. Auerbach projetait une allure décidée et il y a quelque chose d’intrinsèquement romantique de le voir en photos crier des ordres à ses joueurs ou célébrer encore un autre championnat, dans son complet.

Évidement, dans les années 1950 et 1960, tous portaient des complets, même les spectateurs. Mais Auerbach portait le sien avec panache.

Pat Riley, en revanche, fut celui qui apporta le fameux complet Armani sur les bancs de la NBA dans les années 1980 et 1990. Riley possède sans aucun doute la plus forte personnalité de l’histoire des entraîneurs de la NBA. Phil Jackson, quant à lui, pouvait avoir l’attaque en triangle et des expressions zens obscures – et bien sur, un assez grand nombre de championnats – mais c’est Riley qui a toujours été l’entraineur et le cadre superstar, ne choisissant que ce qui est le plus éblouissant : les Showtime Lakers, les Knicks, et les Heat, oû il a éventuellement façonné le futur de l’association en apportant le talent de LeBron James à South Beach, sonnant l'ère de la super équipe. Riley gagnait, mais il vendait également; ses équipes ont connu du succès sur le plan sportif et commercial et il y a joué un grand rôle. Même si les Showtime Lakers avaient certains des meilleurs talents de l’association, ils sont devenus les Showtime Lakers en grande partie grâce à Riley, qui patrouillait les lignes de touche portant des complets Armani parfaitement taillés et des cheveux méticuleusement lissés en arrière. Riley était fanfaron – certains pourraient appeler ça de l’arrogance – une attitude contagieuse pour ses joueurs et les fans de son équipe.

Le fait qu’un entraîneur porte un complet ou non n'influencera pas nécessairement le résultat sur le terrain – mais peut-être que oui. Peut-être que cela démontre aux joueurs et aux spectateurs que les entraîneurs, tels qu’Auerbach et Riley, sont déterminés – qu’ils sont un cran au-dessus des entraîneurs de gymnases d'écoles secondaires et de collèges, et qu’ils sont là pour gagner.

Ce que ça change, toutefois, c’est la perception.

Je veux me souvenir de Gregg Popovich, et son entraînement de génie, comme quelqu'un qui portait des complets – même s’ils n'étaient pas aussi flamboyants que ceux de Pat Riley ou intemporels comme ceux de Red Auerbach – plutôt qu’un polo sorti du pantalon. Nick Nurse a remporté pour le Canada un championnat de la NBA vêtu de judicieux tailleurs contemporains, parfois irrévérencieux. Cela reflétait l’organisation : jeune, calculée, futée, et toujours amusante et agréable à regarder. C’est ce dont je souhaite me souvenir. Ce que je veux oublier par contre est le polo et les pantalons kaki de Nick Nurse et les Raptors qui languissaient au bord des séries éliminatoires lorsqu’ils jouaient des matchs à l'extérieur durant la pandémie.

Il y a quelque chose de décevant concernant les entraîneurs de la NBA en pantalons et polos – on s’y attend lors des marchs pré-saison ou des entraînements, mais pas durant les matchs de grande écoute lorsque les Raptors reçoivent les Bucks avec l’avantage du terrain à domicile en jeu.

Alors, s'il vous plaît, aux entraîneurs de la NBA : gardez les polos et les chandails à fermeture à glissière pour l'entraînement et montrez-nous qu’il est temps à nouveau de porter des complets pour les matchs.

Marc Richardson est un rédacteur et photographe de mode basé à Montréal. On a pu lire ses articles et voir ses photos sur Fashionista, Grailed et Garage Magazine. Vous pouvez le suivre sur Twitter.

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