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En faveur de Thom Browne de la tête au pied

Par: Marc Richardson

Lorsque vous lisez des articles sur Thom Browne et sur l'évolution de sa marque au cours des deux dernières décennies, une idée revient sans cesse : le créateur américain a créé un univers unique et universel, ancré autour d'une esthétique qui va à l'encontre de toutes attentes contemporaines.

C’est d’autant plus évident lors d'un défilé de mode Thom Browne, où, inévitablement, on a envie d'acheter l’un de ses costumes. Et une chemise de la marque. Et une cravate. Et des chaussures. Et des chaussettes. Mais ce n'est pas le défilé lui-même qui donne cette envie — bien que les défilés soient toujours théâtraux — ce sont les invités.

Peu de marques (y en a-t-il une autre?) peuvent se vanter d'avoir des admirateurs aussi fervents que Thom Browne. Peu de marques sont aussi instantanément reconnaissables, avec ses foules d'acolytes vêtus de costumes gris et de chemises fraîchement repassées.

Ce langage du design est au cœur de ce qui rend le culte de Thom Browne si fort. Alors que certaines marques ont un morceau ou un détail caractéristique — une phrase d'accroche, si vous voulez —, le designer américain dispose d'un véritable dictionnaire de codes et de langage de design immédiatement reconnaissables. Il y a, bien sûr, la silhouette du costume, coupé plus court et plus carré que tout contemporain, montrant à la fois les poignets et les chevilles, avec des boutonnières fonctionnelles et des poignets de deux pouces. Ensuite, il y a la couleur : les gris Thom Browne, tirés directement de l'âge d'or des costumes en flanelle qui rôdaient dans toutes les boîtes de publicité de Madison Avenue, qui sont légèrement plus riches que les autres. Le fait que les extraordinaires fournisseurs de tissus ZEGNA détiennent désormais 85 % des parts de Thom Browne n'est certainement pas pour rien.

Et puis, il y a les petits détails. Les chemises épaisses en tissu Oxford amidonné, dont le poids luxueux fait d’eux un favori instantané après un premier port. La petite étiquette carrée, inspirée des étiquettes manuscrites qui accompagnaient les vêtements masculins sur mesure des années 50 et 60. Les bandes rouges, blanches et bleues sont ajoutées sous forme de petites languettes à l'arrière des costumes et des chaussures ou comme bandes de gros-grain le long de la patte de boutonnage des chemises. La cravate à nœud simple, toujours légèrement desserrée et de travers.

C'est un spectacle impressionnant que de voir des dizaines et des dizaines de personnes vêtues de ce qui est, en apparence, la même chose au même endroit. Et pourtant, malgré l'approche uniforme de l’habillement, ils ont tous l'air uniques. C'est presque comme si, paradoxalement, la personnalité et l'individualité de chacun étaient magnifiées par le costume anthracite uniforme de Thom Browne ; un classique du bureau réimaginé comme bien plus qu’une simple tenue de bureau.

Pour ceux qui portent Thom Browne au quotidien, ce paradoxe fait partie de ce qui rend la marque si unique. « Cela semble bizarre parce qu’on parle de Thom Browne, mais [ce que j’aime] c'est que c'est la nouvelle version du costume traditionnel », explique Vincenzo Guzzo. Le magnat du divertissement est sans doute le plus grand aficionado de Thom Browne au Canada, arborant fièrement la marque dans l'émission Dragon's Den de la CBC et, la plupart du temps, dans la vie de tous les jours. Il a également raison de dire que Thom Browne a réussi à insuffler un vent de fraîcheur aux tenues de bureaux des années 50 et 60. Il est bien connu que l'esthétique de Browne est largement inspirée de ce que son entourage portait lorsqu'il grandissait dans une famille de médecins et d'avocats en Pennsylvanie — des vêtements incontestablement masculins et conservateurs.

Pour Guzzo, des éléments tels que le ruban tricolore en gros-grain et les quatre barres sur les manches ou les pantalons illustrent une « approche assumée à la mode » et rajeunissent ce qui devrait, en théorie, être une tenue conservatrice.

Et puis, pour Guzzo, il y a le fameux costume court que Browne a contribué à populariser. « Croyez-le ou non, j'avais l'habitude de porter des bermudas avant qu'il ne les rende célèbres. J’avais l'air de sortir du terrain de golf, mais il l'a légitimé. »

Viranlly Liemana est presque totalement d'accord avec Guzzo, quand il s'agit de la capacité unique de Browne à injecter de jouvence là où l'ennui devrait régner. « Je ne pense pas que personne n'ait rendu le fait de porter un uniforme, exclusivement en nuances de gris, aussi sexy et stimulant depuis très longtemps, ou peut-être jamais », dit-il. Liemana est un stratège social et un créateur numérique qui, comme Guzzo, est un admirateur avoué de Thom Browne. Et, comme Guzzo, il considère les détails comme des éléments fondamentaux de la mythologie Thom Browne. « Le gros-grain, les quatre barres sur le bras ou la jambe gauche, le poignet de deux pouces et demi », dit-il, mais aussi « la façon dont il choisit le matériau et la façon dont le tissu se drape. »

Il existe de nombreuses marques dans le monde qui font des vêtements objectivement beaux, avec de bons tissus et des coupes flatteuses, mais vous aurez du mal à en trouver qui soient aussi beaux que Thom Browne lorsqu'ils sont portés de la tête aux pieds.

Ce qui est habituellement un exploit si difficile à réaliser semble sans effort pour ceux qui choisissent de le faire dans les gris caractéristiques de la marque. Pour Guzzo, cela revient à l'idée que le designer américain a créé un monde en soi, un monde où tout est fait pour fonctionner ensemble.

Pour commencer, Guzzo affirme que « le gris est le même gris », lorsqu'il parle des tissus de Browne — qui proviennent depuis longtemps de Zegna, avant même qu'ils ne prennent une participation dans la marque — d'une saison à l'autre. « Je n'ai pas à m'inquiéter qu'un veston et un pantalon ne soient pas assortis », dit-il, « même si ce n'est pas vendu ensemble ». Mais surtout, « vous pouvez vraiment jouer avec les pièces », explique Guzzo, « car les morceaux sont faits pour aller les uns avec les autres. »

Liemana fait écho à ce sentiment presque mot pour mot. « C’est fait si méticuleusement », dit-il, « que chaque morceau de Thom Browne se marie aisément avec un autre, quelle que soit la saison d’où elle vient », ce qui donne aux porteurs la possibilité de mélanger et d'assortir, ou de puiser dans le passé et le présent.

Une fois de plus, c'est le paradoxe de Thom Browne : des pièces inspirées d'une époque révolue, mais qui ont un côté moderne ; des morceaux individuels qui peuvent être mélangés et assortis pour créer des costumes, ou des costumes qui peuvent être déconstruits et portés avec des morceaux uniques ou utilisés pour créer de nouveaux costumes. Par-dessus tout, le plus grand paradoxe reste que c'est la tenue uniforme qui fait ressortir l'individualité de celui qui la porte.

La garde-robe de Thom Browne est vaste et variée : tailleurs anthracite et marine, tricots colorés et texturés, laines et seersuckers, broderies ludiques, unis sobres et chemises classiques. Pourtant, elle reste cohérente en matière de silhouette et de détails. C'est ce qui rend si impressionnant le fait de voir autant de personnes qui portent fièrement du Thom Browne au même endroit : à première vue, on peut dire qu'ils portent tous la même chose, mais en y regardant de plus près, ils se l'approprient tous d'une manière unique. Un cardigan coloré, comme ceux que Guzzo a popularisés sur Dragon's Den, des poignets déboutonnés et roulés, des bottes au lieu des brogues classiques, un pantalon court au lieu d'un long, quatre barres ou un ruban de gros-grain au niveau du biceps, une cravate desserrée ou aucune, des broderies de baleines ludiques sur une chemise blanche.

C'est pareil, mais c'est différent. Ça semble différent, mais c'est la même chose. C’est beau, qu'il s'agisse d’un morceau porté seul ou d'un ensemble de cinq pièces. C'est immédiatement reconnaissable. C'est Thom Browne.

Marc Richardson est rédacteur et photographe de mode basé à Montréal. Son travail a été publié sur Fashionista, Grailed et Garage Magazine.

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