Renaissance française : le bistro classique est de retour et meilleur que jamais
Comment la décadence copieuse de la cuisine de bistro français classique est revenue sur les menus des grands restaurants contemporains.
Dans un renouveau quelque peu improbable, le bistro, comme tout dicté par le goût, est soumis au cycle des tendances. Depuis que les restaurants néo-nordiques et aux petites assiettes ont commencé à envahir l’espace au début des années 2010, la décadence de la cuisine française classique n’avait presque plus de raison d’être. Le milieu s’est orienté vers la «cuisine d’auteur», c’est-à-dire une cuisine dictée par les caprices d’un chef «de génie». Soudainement, les repas ne consistaient plus tant à manger qu’à s’ouvrir aux réflexions créatives d’un individu quant aux possibilités de la nourriture.
Cependant, dans le monde post-pandémique, les convives sont moins intéressés par le fait d’être mis au défi par ce qu’elles mangent. Elles veulent des plats qu’elles comprennent, du bon vin et un espace qui célèbre la convivialité d’une bonne table sans aucune prétention. Que vous mangiez au Libertine à New York, au Cadet à Londres ou aux Parcelles à Paris, il y a de fortes chances que l’un des meilleurs nouveaux restaurants fasse partie de cette renaissance des bistros en plein essor. Sans prétention, simples et axés sur les ingrédients, ces restaurants représentent une rupture rafraîchissante avec les établissements trop élaborés et axés sur l’égo de la dernière décennie et constituent une célébration authentique, voire romantique, de l’art de la gastronomie décontractée.
« Ces restaurants sont une véritable célébration, voire romantique, de l’art de la gastronomie décontractée.»
L’un des meilleurs exemples de cette nouvelle vague est peut-être la Salle Climatisée à Montréal. Les copropriétaires, Brendan Lavery et Harrison Shewchuck, ne sont pas l’archétype évident de la personne que l’on s’attend à voir gérer un bistro français. Ils ont une trentaine d’années, même si le charme enfantin de Lavery le fait paraître plus jeune, et Shewchuck, pour sa part, ressemble à un guitariste punk – ce qu’il est, en fait, depuis 12 ans. Shewchuck a toujours été profondément influencé par la cuisine française. «Mes professeurs de cuisine étaient tous français – leur rhétorique, la façon dont ils parlaient de la nourriture, je trouvais ça vraiment poétique », dit Shewchuck. Il renchérit : « Ça paraît qu’ils ne pensaient qu’à faire de la bonne cuisine. » La cuisine française est souvent cloîtrée dans la technique et les plats classiques, mais c’est réducteur comme façon de penser. Les chefs de la nouvelle vague la voient comme Shewchuck : « La cuisine française, c’est le produit. C’est simple : prenez ce qui est de saison, ajoutez un peu de sel, un peu de poivre, un peu de vinaigre, de la graisse, bien sûr, et le tour est joué. »
Évidemment, c’est beaucoup plus compliqué que ça. C’est bien beau d’adopter le modèle « le moins est le mieux », mais quelque chose d’aussi simple qu’une vinaigrette de poireaux ou un flétan avec des pommes de terre et une sauce au Pernod pourrait être désastreux entre de mauvaises mains. En revanche, avec un chef comme Shewchuck, ces plats sont exceptionnels. Voilà la clé de la renaissance du bistro : il ne s’agit pas du bistro en tant qu’institution, mais du grand retour de la restauration classique. D’une manière générale, vous remarquerez que les personnes à l’origine de ces néo-bistros sont obsédées par la restauration. Ils sont amoureux de l’hospitalité et de toutes choses intangibles qui font un grand restaurant. Le bistro est de retour, mais pas comme vous l’avez connu. Le bistro actuel est une célébration du plaisir simple de la bonne cuisine, du romantisme des grands restaurants et une invitation d’aller manger sans justification. Ça ne semble pas révolutionnaire, mais après des années d’expérimentation, il y a, comme le dit Shewchuck, « de la poésie à trouver dans le plaisir simple d’une bonne cuisine, d’un bon vin et d’un endroit charmant où les savourer. »