Manger pour les initiés : Le Pensavo Peggio à Florence
Le photographe de mode et écrivain Marc Richardson nous fait découvrir une institution florentine qui sert de la cuisine toscane traditionnelle et fait preuve d’une hospitalité hors pair aux habitués de la semaine de la mode.
En italien, les mots pensavo peggio se traduisent littéralement par « j’ai pensé pire », bien que, selon qui vous le demandez, le sens soit plus proche de « ça pourrait être pire ».
Si vous voulez mon avis, ces mots veulent dire que je suis arrivé à Florence, car Pensavo Peggio est aussi le nom de l'un de mes endroits préférés au monde. Un pittoresque restaurant familial, niché sur la via Del Moro, une rue secondaire florentine relativement calme. Franchement tortueuses et étroites, avec peu de circulation et des trottoirs minuscules, il y a beaucoup de rues à Florence que l'on pourrait qualifier de rues secondaires — même celles qui, sur une carte, semblent être des artères principales.
Le Pensavo Peggio a été recommandé — de bouche à oreille, par un apprenti tailleur thaïlandais — par le vénérable signor Liverano, le légendaire tailleur florentin, qui, selon la rumeur, y mangeait quotidiennement.
Si c'était assez bon pour lui, c'était assez bon pour moi.
Au fil du temps, le Pensavo Peggio est devenu un point de repère pendant les périodes nomades de ma vie. C’était mon ancre après des semaines passées à rebondir entre Montréal, Londres, Florence, Milan et Paris pour les salons professionnels de la mode masculine et les semaines de la mode. Les premières fois que je suis retourné à Florence après cette visite initiale, je me suis fait un devoir de manger au Pensavo Peggio au moins une fois. Mais, ces dernières années, je m'y suis retrouvé tous les soirs. Pour la nourriture, mais aussi pour la chaleur et la compagnie de Gabriela et Fabrizio, les propriétaires. C'est devenu, en quelque sorte, ma salle à manger florentine.
Parmi la foule qui fréquente le Pitti Uomo, je ne suis pas le seul. Il est fascinant de voir comment la presse et les acheteurs locaux et étrangers se rendent régulièrement au Pensavo Peggio. Sur le soppalco — un genre de mezzanine populaire à Florence en raison de la hauteur des plafonds — une table peut accueillir des acheteurs japonais, une autre des tailleurs florentins recevant des homologues britanniques, et une autre un groupe de photographes du monde entier. Ensuite, il y a les touristes en vacances, les étudiants en échange et les clients florentins locaux.
« Nous voulons que tout le monde ait la même expérience », me dit Fabrizio, « nous voulons que les touristes se sentent comme des locaux ».
Et ils réussissent haut la main.
La première fois que je suis entré au Pensavo Peggio, je ne parlais pas italien, je le comprenais encore moins et ne me demandiez même pas de faire semblant. Maintenant, après des cours d'italien improvisés autour de verres de vin maison, de shots de limoncello et des meilleurs pici cacio e pepe du monde — je ne les ai pas tous essayés, mais je vous assure qu'aucun ne peut rivaliser avec ceux du Pensavo Peggio — je peux me débrouiller correctement. Après les cours de langue improvisés, Gabriela m’a offert un cours de cuisine sur le parfait cacio e pepe.
Voilà le charme du restaurant.
N’oublions pas l'absence de réception téléphonique. Au début, c'est frustrant et ça semble peu pratique, mais on finit par apprécier ce répit. Manger une bouchée en vitesse se transforme en soirées de plusieurs heures, les murs orange du Pensavo Peggio, couverts de photos en noir et blanc de personnes célèbres y mangeant, nous isolent de l’extérieur.
Mais le charme seul ne suffit pas à faire d'un restaurant un détour, surtout dans une ville comme Florence où la nourriture est presque toujours bonne.
Pour moi, la qualité de la nourriture se démontre dans la manière dont même les plats les plus simples sont incroyables au Pensavo Peggio. Une bruschetta toujours parfaitement assaisonnée, sur du pain toscan traditionnel ; les pici cacio e pepe susmentionnés, qui sont délicieusement crémeux, mais pas trop riches ; les pici al'aglione, une simple sauce à l'ail et à la tomate ; les spaghetti alla carrettiera, qui ressemblent à l'arrabbiata, mais sont légèrement différents et cuits parfaitement al dente, bien sûr ; une insalata italiana avec des tomates séchées et de la mozzarella qui était si crémeuse et lisse qu'on aurait juré que c’était de la burrata.
C'est cette combinaison de cuisine toscane simple et traditionnelle et d’hospitalité inimitable qui fait du Pensavo Peggio ce qu'il est pour moi : une maison loin de la maison et un endroit que je recommanderai toujours à tous ceux qui mettent les pieds à Florence.
Marc Richardson est rédacteur et photographe de mode basé à Montréal. Son travail a été publié sur Fashionista, Grailed et Garage Magazine.