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L’art de s’habiller comme un artiste

Les artistes qui suivent votre flux Instagram sont d’excellents rappels que la meilleure façon d’être bien vêtu est d’être authentique.

Par: Marc RichardsonDate: 2021-03-19

Est-ce que la vie imite l’art ou l’art imite la vie ? La mimèsis est l’un des grands dilemmes de la philosophie, un sujet de débat depuis l’époque de Platon et d’Aristote, qui plaidaient en faveur de la dernière. Oscar Wilde, en revanche, affirmait que “la vie imite l'art bien plus que l'art imite la vie”.

De nos jours, en 2021, nous avons une troisième hypothèse : et si la vie n’imitait pas l’art – mais les artistes ?

De plus en plus, il semble que ce soit le sens que prend la mimèsis… du moins en ce qui concerne le style. Naviguez à travers Instagram ou Twitter et vous verrez que les artistes – qu’ils soient peintres, photographes ou chanteurs d’opéra – ont pris la place des athlètes et des acteurs en tant que source d’inspiration vestimentaire. Leur style éclectique, souvent coloré – mais pas toujours – trouve écho plus que jamais auprès des gens.

Il a toujours existé quelque chose d’étroitement lié dans la relation particulière entre la mode et l’art, probablement à cause de la tendance esthétique qui les sous-tend. Les artistes ont tenu plusieurs rôles dans l’univers des vêtements pour hommes au fil des ans – en tant que collaborateurs, muses, mannequins et même créateurs de mode.

Le peintre basé à New York, feu Jean-Michel Basquiat, a célèbrement pris part au défilé printemps/été 1987 de Comme des Garçons; trois décennies plus tard, la marque a établi une collaboration à titre posthume. L’artiste contemporain Takashi Murakami – de style vestimentaire éclectique comme nul autre – est renommé pour ses tableaux colorés, mais il est également un patroniste accompli et le co-fondateur d’une marque japonaise récipiendaire du Grand Prix LVMH. Et c’est sans parler de la pratique de longue date, mais de plus en plus courante, qu’ont les photographes et les peintres à prêter leurs motifs aux vêtements – de Stephen Sprouse et Sterling Ruby à Peter Doig et Nan Goldin.

Toutefois la fascination actuelle s’étend bien au-delà : ce ne sont plus seulement les marques qui cherchent à puiser dans le style des oeuvres des artistes – ce sont les gens qui veulent s’inspirer du sens du style des artistes. Ce sens du style a tendance à être influencé par l’esthétique, oui, mais également par un utilitarisme certain et une confiance en soi.

Et c’est cela qui crée un véritable style original.

Pablo Picasso (à gauche) signe des autographes dans le sud de la France portant ses plus beaux vêtements de vacances; tandis que David Hockney pose dans son studio dans un style sur mesure plus traditionnel (mais non moins éclectique). (Photos via Getty Images)

Ce qui est intéressant, c’est que de Picasso et Pavarotti à Bill Cunningham et David Hockney, il n’y a pas de look dominant.

Lorsque Picasso passait l’été dans le sud de la France, il se promenait souvent sans chandail, ou gardait son maillot de bain pour la soirée. Dans son studio, il portrait des chemises à col camp ou des polos luxueux, avec des shorts et de simples souliers. Il s’habillait comme on le ferait en vacances. Le comfort et la simplicité étaient primordiales, toutefois il aimait aussi les rayures et les carreaux vibrants, créant ainsi une sorte de maximalisme simplifié qui ne différe pas de ce que Luciano Pavarotti, le grand tenor italien portait. Cependant, le style de Pavarotti était différent. Il n’était pas étranger aux noeuds papillon et aux smokings, mais on se souvient davantage de lui pour ses foulards de soie fluides, ses chemises colorées, son amour des chapeaux, et ses superpositions hors pair – autrement dit, ce qu’il portait en dehors du spectacle. Lorsqu’il n’était pas sur scéne, il avait une allure décontractée mais toujours avec classe, tel que l’on s’attend de la part d’une star de l’envergure de Pavarotti – que ce soit en répétition, en faisant un barbecue ou en signant des autographes sur le bord de la piscine.

David Hockney a toujours opté pour des vêtements pour hommes plus traditionnels, mais son style est tout de même éclectique et, contrairement à Pavarotti, reflète ses oeuvres. Ce peintre britannique a longtemps été friand de gilets colorés, de cravates percutantes et de pantalons amples plus sobres, que ce soit dans son studio ou lors de l’ouverture d’une galerie, ce qui reflète ses oeuvres de couleurs vives et contrastées. Le photographe novateur américain de style de rue Bill Cunningham se situe entre les complets traditionnels de Hockney et les tenues décontractées de Picasso, optant pour une veste de travail bleue, munie de poches parfaites pour porter des objectifs supplémentaires. Éventuellement la veste est devenue synonyme du photographe légendaire.

Alors comment est-il possible de regrouper ces artistes, stylistiquement, lorsqu’ils s’habillent si différemment ? Et comment se fait-il que nous sommes soudainement autant intéressés à leurs vêtements qu’à leurs œuvres ?

Si la façon dont s’habillent les artistes est un diagramme de Venn, alors il y a des cercles représentant de tout allant des vêtements de travail et tenues habillées aux vêtements bon chic bon genre et plus décontractés pour le sport et les loisirs. La zone de chevauchement au centre – Artistcore ou le coeur de l’artiste, si vous voulez – est définie non pas par une esthétique partagée, mais par une philosophie commune qui met de l’avant l’authenticité et l’individualité. Il y a quelque chose de décontracté et relaxe dans la manière dont s’habillent les artistes, même quand ils portent un veston cravate, comme Hockney, parce qu’ils sont confortables et confiants sans effort.

Luciano Pavarotti conduit un scooter à sa villa de Pesaro. Photos de Vittoriano Rastelli via Getty Images.

Artistcore n’est pas nécessairement un look, mais une philosophie.

Nous ne nous tournons pas vers ces maestros parce que nous aimons leurs foulards de soie ou leurs chemises à rayures ou leurs tricots colorés : nous nous tournons vers eux parce qu’ils sont de parfaits exemples que la meilleure façon d’être bien vêtu est d’être authentique.

<< Il y a quelque chose de décontracté et relaxe dans la façon dont s’habillent les artistes, même quand ils portent un veston cravate, comme Hockney, parce qu’ils sont confortables et confiants sans effort. >>

Artistcore est l’authenticité incarnée. C’est aller à l’inverse des attentes – porter des couleurs vives quand les gens s’attendent à du neutre, ou un complet lorsqu’une tenue décontractée s’impose, ou l’inverse – parce que vous vous habillez pour vous-même. Si vous apprivoisez la maniére dont vous souhaitez être vêtu alors éventuellement, cela deviendra votre carte de visite, comme les foulards de soie de Pavarotti, les pastels d’Hockney ou la veste bleue de Cunningham.
Le photographe Bill Cunningham dans sa surchemise bleue signature à la Semaine de la mode de Paris en 2014. Photo de Kristy Sparow via Getty Images.

*\ Artistcore* est l’authenticité incarnée. C’est aller à l’inverse des attentes – porter des couleurs vives quand les gens s’attendent à du neutre, ou un complet lorsqu’une tenue décontractée s’impose, ou l’inverse – parce que vous vous habillez pour vous-même. Si vous apprivoisez la maniére dont vous souhaitez être vêtu alors éventuellement, cela deviendra votre carte de visite, comme les foulards de soie de Pavarotti, les pastels d’Hockney ou la veste bleue de Cunningham.

Comme tout le reste en 2021, notre nouvel intérêt pour la façon dont s’habillent les artistes relève de notre réalité pandémique. Il n’a pas eu de meilleur moment pour porter les vêtements que l’on veut et de prendre le temps d’expérimenter en jumelant des styles que nous n’aurions pas osé auparavant. Nous nous habillons enfin pour nous-même et personne d’autre, ce qui signifie que nous pouvons nous adapter à la manière que l’on désire s’habiller.

La joie de vivre est généralement associée à l’art, mais nous aurions peut-être dû nous tourner vers les artistes durant tout ce temps. Pensez au large sourire de Pavarotti, au petit sourire satisfait de Picasso ou aux yeux rieurs d’Hockney. Les artistes, habitués d’être leur propre critique, ont compris que si vous vous habillez pour vous-même, vous ne serez pas seulement heureux, mais vous serez la personne la mieux vêtue de la pièce. Parce que l’authenticité est toujours apparente.

Marc Richardson est un rédacteur et photographe de mode basé à Montréal. On a pu lire ses articles et voir ses photos sur Fashionista, Grailed et Garage Magazine. Vous pouvez le suivre sur Twitter.

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