LA PROCHAINE GÉNÉRATION
Nous avons réuni à Florence ceux qui représentent l’avenir de la mode masculine italienne pour discuter d’héritage, de savoir-faire et de nouvelles tendances.
L’Italie est un pays où les traditions se transmettent d’une génération à l’autre. Il n’est pas rare de trouver un maître artisan qui a passé toute sa vie à apprendre à maîtriser le métier de ses prédécesseurs. Les Italiens sont très fiers de leur art, de leur architecture et de leur design, mais aussi de leur cuisine et – bien sûr – de leur mode.
Avec une histoire riche en dynasties de grands créateurs, l’Italie surpasse pratiquement tous les autres pays sur le plan de la mode. Il y a une expression italienne qui désigne la transmission d’une entreprise privée d’une génération à l’autre : le capitalismo familiare, ou capitalisme familial. Il existe une sorte de règle non écrite selon laquelle le contrôle d’une marque est transmis à ses héritiers à la manière d’une recette familiale de ragù.Grâce à ses filles, à ses gendres et à d’autres experts, Brunello Cucinelli n’a nullement à s’inquiéter de l’avenir de sa marque. De même, bien que Ciro Paone, le fondateur de Kiton, soit décédé récemment, ses neveux jumeaux continuent de faire vivre la passion de leur oncle pour la qualité et le détail, tout en ajoutant une touche moderne. Et Stefano Canali, digne représentant de la troisième génération, n’a surtout pas l’intention de se reposer sur ses lauriers. Sa volonté de faire avancer l’entreprise familiale est plus forte que jamais.Nous croyons également en cette passation familiale.
Le petit-fils de Harry, Ian Rosen, a récemment pris la barre ici en tant que président et chef de l’exploitation.Nous avons donc eu le grand plaisir de réunir ces leaders de la mode masculine de la prochaine génération dans un restaurant de Florence animé pour discuter de l’entrepreneuriat familial, de l’équilibre entre patrimoine et modernité, du cachet culturel de l’Italie et plus encore.
CANALI
« Notre passé est un testament tangible de notre identité, mais il ne faut pas qu’il devienne une cage qui nous empêche de nous adapter aux besoins et aux désirs de la clientèle d’aujourd’hui », explique le président et chef de la direction de Canali, Stefano Canali. Fort de ses 88 ans d’existence, Canali place l’histoire au cœur de son entreprise familiale, qui a vu sa marque unique de mode italienne se rendre jusqu’au président des États-Unis. (Barack Obama a été vu vêtu d’un veston Canali le lendemain des élections de 2008.) M. Canali ne prend pas cette responsabilité à la légère
“« J’ai l’occasion et la responsabilité de faire croître l’entreprise, de continuer à transmettre les valeurs qui ont toujours guidé notre famille, soit le respect et le souci de nos employés et partenaires, de nos clients et de nos intervenants », affirme M. Canali. Ces valeurs ont permis à Canali de passer d’un petit atelier de tailleur à une marque vendue dans plus de 100 pays. En s’appuyant sur cet héritage, ainsi que sur la recherche, l’innovation et le développement durable continus, l’entreprise pourra continuer à évoluer et ainsi conserver sa place dans le panthéon de la mode italienne pour hommes. Nous avons discuté avec M. Canali de l’histoire de l’entreprise, des conseils de son père et de l’importance du savoir-faire italien.
Forte de ses 88 ans d’histoire, l’entreprise a-t-elle su tirer profit des défis du passé pour surmonter les difficultés actuelles?
Absolument. Nous avons déjà traversé deux grandes crises. La première était la reconstruction de notre entreprise anéantie par la Seconde Guerre mondiale. Puis, à la fin des années 1960, un changement soudain des habitudes vestimentaires nous a forcés à abandonner la production de pardessus et à revenir aux tailleurs. Tout cela nous a appris que le fait d’avoir une vision et de s’y tenir est essentiel dans les périodes difficiles.
Qu’est-ce qui change et qu’est-ce qui ne change pas chez Canali selon vous?
Nous apportons d’importants changements à la conception et à l’offre de produits. [Notre nouvelle stratégie], cohérente avec notre marque qui offre toujours des produits de grande qualité, a évolué vers une approche plus personnelle et axée sur le mode de vie.
Sur une note plus personnelle, en quoi vos styles de gestion et de leadership diffèrent-ils de ceux de votre père, Eugenio?
Ma mission est de faire passer la marque de l’expression d’un produit à la représentation du mode de vie italien et de nos valeurs familiales. Comme c’est souvent le cas pour la deuxième génération d’entreprises familiales, mon père a développé l’entreprise en adoptant une approche de gestion centralisée, qui était appropriée et très efficace à cette époque. L’entreprise que je dirige aujourd’hui est beaucoup plus complexe. Je dois donc déléguer et ajouter un volet de gestion de projet, ce qui n’exclut pas que je m’investisse personnellement dans les projets les plus importants.
Du haut de ses 90 ans, mon père continue d’être présent dans l’entreprise et de me faire part de ses réflexions et de ses conseils. Par-delà les inévitables divergences d’opinions, il est intéressant de constater qu’on arrive souvent aux mêmes conclusions par des chemins différents!
Comment le cachet culturel de l’Italie se retrouve-t-il dans votre produit?
Je pourrais dire qu’il est présent dans chaque fil. Il n’est pas toujours facile de garder la production de A à Z en Italie, mais le jeu en vaut amplement la chandelle.
AGNONA
Agnona n’est peut-être pas le nom le plus connu, mais c’est l’une des marques les plus branchées du luxe italien. Pendant plus de 50 ans, il s’agissait d’une usine spécialisée dans les meilleurs tricots et tissus sur le marché. Aujourd’hui, sous la direction de Stefano Aimone, nouveau chef de la direction et directeur de la création, Agnona trouve sa place au sommet de l’élégance enveloppée de cachemire.
Aimone et Agnona sont tous deux liés à ZEGNA. La marque a été créée en 1953 par Francesco Ilorini Mo, fabricant des meilleurs fils de cachemire, de vigogne et d’alpaga pour les couturiers parisiens, dont Christian Dior et Cristóbal Balenciaga. Elle a connu tant de succès que ZEGNA a aidé Agnona à lancer sa propre collection. Finalement, l’entreprise a été acquise par ZEGNA, mais elle n’a jamais reçu toute l’attention qu’elle méritait.
Aimone a grandi au sein de la famille Zegna (sa mère est Laura Zegna, fille d’Aldo Zegna qui, avec son frère Angelo, a consacré les années 1960 à l’expansion de l’entreprise au-delà de la simple production de textiles). Il était auparavant chef du design chez Z Zegna, mais il avait toujours lorgné Agnona. Avec l’aide de son père, il a acquis une participation majoritaire dans l’entreprise et se retrouve maintenant à développer une marque au goût du jour mettant en vedette des tissus fins et des lignes décontractées.
« NOTRE PHILOSOPHIE SERA TOUJOURS D’INSPIRER LES GENS À ÊTRE LA MEILLEURE VERSION D’EUX-MÊMES. »
Qu’est-ce qui change et qu’est-ce qui ne change pas chez Agnona selon vous?
C’est une question délicate parce que la réponse serait que tout change et que rien ne change à la fois. Agnona est une marque intemporelle de qualité et de style italiens purs, et cet aspect ne changera jamais. En revanche, Agnona évolue, est à l’écoute des clients et s’avère bien de son temps. Nous vivons à une époque marquée par les déplacements, mais nous aimons aussi nous habiller de façon plus décontractée et recréer le confort de notre foyer, peu importe où nous nous trouvons.
Mais avec une histoire si prégnante, comment faites-vous pour faire évoluer Agnona?
Rien n’est plus inspirant que d’explorer notre histoire afin de renouveler notre perspective et de redécouvrir « pourquoi » et « comment » tout a commencé. Il ne suffit pas de ressentir la magie de nos racines uniques ou un fort sentiment d’appartenance. Il s’agit d’aller plus en profondeur, de vous plonger dans le parcours de la marque et de comprendre comment elle trouve un écho chez les clients d’aujourd’hui. En fait, elle n’a jamais été aussi pertinente : qu’y a-t-il de plus contemporain que l’incessante quête de la qualité, l’admiration respectueuse de la nature, l’art du savoir-faire et le sens de l’élégance décontractée? Notre héritage est une lentille par laquelle nous entrevoyons l’avenir.
Comment le cachet culturel de l’Italie se retrouve-t-il dans votre produit?
Derrière tous nos produits, il y a et il y aura toujours un hédonisme subtil, un amour de la beauté, l’esprit d’une grande famille ouverte, la paix des Alpes et la joie de la mer Méditerranée, les fêtes et les temps libres; l’ambiance de la dolce vita et l’excellence du savoir-faire italien.
BRUNELLO CUCINELLI
Ces deux jeunes PDG ont sans aucun doute de grosses pointures (en suède brossé) à chausser, mais ils veillent tranquillement à la croissance authentique de Brunello Cucinelli en ne perdant jamais de vue le « capitalisme humaniste ».
En mai 2020, Brunello Cucinelli a annoncé qu’il quitterait son poste de chef de la direction pour se concentrer sur son travail de directeur de la création et président exécutif. Cette nouvelle a créé un effet de surprise, car l’homme et la marque sont si intimement liés. Mais avec un leadership aussi fort qui attend en coulisse, Cucinelli a cru qu’il était temps de passer le flambeau.
Ses successeurs sont Luca Lisandroni, qui s’occupe des marchés internationaux et qui travaille pour la boîte depuis six ans, et le gendre de Cucinelli, Riccardo Stefanelli, qui est dans l’entreprise depuis plus de 16 ans et qui concentre ses efforts sur les produits et la chaîne d’approvisionnement.
Riccardo, vous travaillez pour l’entreprise depuis 16 ans. Durant cette période, comment Cucinelli a-t-elle changé et qu’est-ce qui n’a pas changé pendant toutes ces années?
Riccardo Stefanelli : Je dois dire qu’avec le temps, l’un des plus grands changements que nous avons observés est un plus grand souci de l’histoire et de l’approche éthique de la marque. L’une des choses qui nous tiennent le plus à cœur est la conservation de notre héritage. Nous sommes attachés aux traditions, mais en même temps, nous innovons constamment. Pour demeurer fidèles à notre passé, nous misons sur une grande attention à la qualité, aux détails, à l’exclusivité des produits et, surtout, à notre style distinctif.
Et vous, Luca?
Luca Lisandroni : Brunello Cucinelli croit que la clé réside dans des valeurs authentiques et une exécution sans faille. Ces principes orientent notre travail et nous nous efforçons d’intégrer une touche moderne tout en demeurant fidèles à notre conception du bon goût.
Brunello Cucinelli investit dans la transmission du métier aux jeunes. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Riccardo Stefanelli : Le savoir-faire est l’un des piliers de notre entreprise. Nous avons fondé [l’école d’artisanat] ici à Solomeo il y a quelques années pour nourrir et cultiver ces compétences. Nous choisissons de bien rémunérer les personnes qui travaillent avec nous parce que nous croyons qu’il faut les convaincre de suivre la voie de l’artisanat.
Qu’est-ce qui a changé dans le monde de la mode masculine au cours des dernières années?
Luca Lisandroni : Je crois que la mode a toujours reflété les changements dans la qu’en ce moment, on assiste à la résurgence d’une élégance sobre et moderne.
Riccardo Stefanelli : À Solomeo, notre marque a interprété la mode sport masculine avec notre vision unique de l’élégance. Durant les deux années de pandémie, j’ai rencontré plein de gens portant des kangourous au style décontracté et sport. [Mais nous croyons que le complet pour hommes] est un vêtement exquis et une icône du style italien.
Il ne faut donc pas se limiter aux chandails à capuchon et aux pantalons de jogging?
Riccardo Stefanelli : Un des mots clés pour moi est la crédibilité. Nous croyons que le complet masculin aura toujours une place de choix dans la mode masculine. La seule condition est qu’il soit conçu avec goût, un goût italien et contemporain. Aujourd’hui, je porte un complet, mais je le porte avec des chaussures sport et un polo à manches courtes. Vous pouvez donc être contemporain, tout en conservant votre crédibilité et votre élégance. Je peux maintenant quitter le travail et me rendre à une réunion importante ou à un cocktail, et ma tenue sera toujours adéquate.
« NOTRE CRÉATIVITÉ EST NOURRIE PAR LA BEAUTÉ DU PAYSAGE ET LA SÉRÉNITÉ DE NOTRE VIE CHAMPÊTRE. »
De nos jours, la durabilité est au cœur des préoccupations de toutes les marques du monde de la mode. Quelle est votre approche?
Riccardo Stefanelli : Notre accent sur le « capitalisme humaniste » est assorti de quatre types de durabilité. Le premier est la durabilité environnementale, soit l’empreinte carbone et le respect de l’environnement. Il y a ensuite la viabilité économique, car nous croyons fermement à une croissance durable, mais aussi à un profit sain et durable.
Le troisième type est ce que nous appelons la pérennité culturelle, c’est-à-dire le lien entre la culture et la santé spirituelle. C’est la raison pour laquelle nous avons construit un théâtre à Solomeo, en plus de fonder une école d’artisanat et de lancer un projet de bibliothèque universelle.
Enfin, il y a la durabilité spirituelle, un aspect impossible à mesurer. Je n’ai jamais rencontré un investisseur qui mesurait cette durabilité spirituelle, soit celle qui désigne le lien entre les besoins matériels et spirituels. Nous accordons donc toujours beaucoup d’importance au premier type de durabilité, mais il ne faut pas négliger le bien-être de l’âme.
Comment le cachet culturel de l’Italie transparaît-il dans la griffe Brunello Cucinelli?
Luca Lisandroni : Notre produit entretient un lien très fort avec le territoire. Notre créativité est nourrie par la beauté du paysage et la sérénité de notre vie champêtre.
Que fait Brunello Cucinelli pour attirer de nouvelles générations de clients?
Riccardo Stefanelli : Je dois dire que la clé réside dans notre souci de la beauté et du détail mais, surtout, dans le comportement de l’entreprise et de la marque. Ce sont autant d’aspects importants dans le processus décisionnel de chaque client. De nos jours, les gens veulent savoir comment vous vous comportez, où vous fabriquez vos produits et comment vous menez vos affaires. J’ai lu une analyse de Bain & Company indiquant que 75 % des clients du monde du luxe changeront leurs habitudes d’achat et leur perception de la marque s’ils savent que la marque n’adopte pas un comportement éthique.
Donc, la façon dont vous traitez votre fournisseur, l’environnement, vos collègues de travail et vos intervenants est cruciale. Le comportement de votre entreprise est un aspect dont vous pouvez parler et être fier.
KITON
Summum de la haute couture napolitaine, les fameux vêtements faits à la main de Kiton sont admirés par certains des leaders politiques et du monde des affaires les plus célèbres au monde. Aujourd’hui, les jumeaux de la troisième génération de la famille font prendre à la marque une nouvelle orientation audacieuse.
Véritable pionnière de la mode haut de gamme à l’échelle mondiale, la griffe Kiton fait les choses à sa manière. « La qualité rehaussée d’un cran » a longtemps été le mantra de la marque et on comprend facilement pourquoi. Kiton produit certains des matériaux les plus luxueux sur le marché – des vestons à revers roulants prononcés et d’autres détails qu’on ne trouve que dans les articles faits à la main.
Bien que la marque Kiton soit vendue dans les magasins du monde entier, son âme demeure à Naples, ville qui a vu naître l’entreprise fondée par Ciro Paone en 1956. Mais voilà qu’une troisième génération fait son entrée sur scène, avec les neveux jumeaux de Ciro Paone, Mariano et Walter De Matteis, qui insufflent un vent de modernité à la marque. Il ne faut toutefois pas parler de « luxe ». « Mon oncle Ciro m’a appris que le mot “luxe” est souvent surévalué », explique Mariano. Il est mal utilisé. Comme il le disait si bien : on fait de la qualité, pas du luxe. Il y a là une grande différence. »
Quelle est votre vision pour l’avenir de Kiton?
Walter : La pandémie a entraîné une très forte accélération des changements aux habitudes de consommation. Par conséquent, les vêtements ont également changé. Tout en conservant son ADN « Fabriqué en Italie » à 100 %, Kiton a apporté une importante amélioration au confort, qui était auparavant réservé exclusivement aux temps libres. C’est une évolution esthétique : les mots d’ordre sont l’élégance, la qualité et le confort. Ils ont toujours été dans l’ADN de Kiton, mais ils ont été recalibrés dans les dernières années.
Par les temps qui courent, la durabilité est sur toutes les lèvres. Quelle est l’opinion de Kiton à cet égard?
La durabilité environnementale a toujours été un enjeu important dans la culture d’entreprise de Kiton. Nos produits sont créés selon la philosophie et les normes d’artisanat traditionnel : l’élément central est l’être humain et non la machine. Les seuls outils à la disposition de nos artisans sont les aiguilles, les fils et les ciseaux.
Par conséquent, notre processus de production n’a aucune répercussion sur l’environnement. En ce qui concerne les émissions, la seule substance que nous produisons est la vapeur produite par nos chaudières.
L’une des mesures novatrices que nous avons prises en matière de protection de l’environnement consiste à tester de nouveaux fils plus biodégradables pour remplacer ceux fabriqués à partir de polyamide. Toutefois, nous éprouvons certaines difficultés en raison du manque d’élasticité du fil, ce qui entraîne une plus grande rigidité des points lors du processus de couture. Nous travaillons avec des entreprises manufacturières du secteur pour trouver une solution qui combine notre besoin de garantir la qualité supérieure de nos produits et celui d’atteindre des résultats en matière de durabilité écologique.
Que signifie « Fabriqué en Italie » pour Kiton?
Kiton est fière de ses origines italiennes. Et nous sommes fiers de représenter le drapeau italien comme un symbole d’excellence partout dans le monde. Pour nous, « Fabriqué en Italie » est l’incarnation de la philosophie de qualité de notre pays.
MAURIZIO BALDASSARI
Alors que la deuxième génération reprend la marque du nom de leur père, le dévouement de Renato et Roberto Baldassari envers la mode masculine milanaise n’est que la pointe de l’iceberg.
Dans l’Italie d’après-guerre, le jeune Maurizio Baldassari est arrivé à une époque où le pays était rempli d’optimisme; les possibilités semblaient alors infinies. Baldassari a gravi un à un les échelons de la mode : il est passé d’acheteur au célèbre grand magasin La Rinascente (aux côtés de Giorgio Armani), où il a appris les rouages du métier et tissé des liens. Son parcours l’a mené au lancement de sa marque en 1980 dans le quartier créatif de Brera, à Milan.
Ses fils, Renato et Roberto, continuent maintenant de faire évoluer la marque que leur père a créée. Renato dirige le volet commercial et Roberto, celui de la production. Pour eux, Maurizio est toujours le « grand patron », mais ce dernier est occupé et passionné par le mentorat des jeunes dans les programmes de mode des Universités Bocconi et Cattolica de Milan.
Est-ce que vous et votre frère étiez toujours impliqués dans l’entreprise familiale?
Renato : Toujours. Maurizio travaillait tellement que la seule façon de le voir était de venir l’aider dans la salle d’exposition. Nous vivons parmi les tissus depuis l’âge de 10 ans.
J’imagine qu’il est facile d’être emballé par l’entreprise quand on grandit avec elle.
Maurizio a été très sage. Il nous a encouragés à ne pas nous joindre immédiatement à l’entreprise, et nous avons tous deux acquis de l’expérience à l’étranger. Je suis allé travailler chez Mulberry en Angleterre. Roberto y était au même moment et travaillait pour un grand studio spécialisé dans la vente au détail de mode. Naturellement, après quelques années, nous avons dit : « Maurizio, peut-on rentrer au bercail?
Comment concilier le respect du passé et le progrès?
C’est toujours un mince équilibre. Mais honorer [la passion de Maurizio pour la qualité] a toujours été la priorité. Même si on pouvait, on ne tournerait jamais les coins ronds. Maurizio a façonné notre perception quant à la façon dont les choses doivent être faites.
Par-dessus tout, nous pensons toujours au consommateur final. Et comme c’est une entreprise familiale, on a la chance de se dire qu’un article n’est peut-être pas très bon pour notre marge, par exemple, mais si on l’aime, on peut décider de l’intégrer dans la collection. Il est bon pour le consommateur.
Je crois en cette approche très durable de la mode. C’est une sorte de mode lente parce que chaque pièce est conçue pour durer. Mon veston-cardigan, le premier qui a été créé, a maintenant cinq ans et je l’adore toujours. J’espère qu’il en sera de même pour notre consommateur final.
De plus, comme les produits sont fabriqués en Italie et qu’ils sont haut de gamme, nous nous en tenons à une production selon les besoins. Nous ne surproduisons pas. Nous ne possédons pas de magasin pour nous débarrasser des morceaux excédentaires qui inondent le marché.
Vous avez dit que le concept « Fabriqué en Italie » tient réellement à cœur à Maurizio. Qu’est-ce que cela signifie pour l’entreprise?
La mention « Fabriqué en Italie » est en quelque sorte une religion. Elle nous oblige à offrir les meilleurs produits. Il y a une approche culturelle du produit que vous ne trouverez nulle part ailleurs au monde. En discutant avec des tricoteurs ou des fabricants de deuxième, troisième et quatrième génération, on comprend qu’ils connaissent le produit mieux que quiconque. Et ils nous aident à résoudre tous nos problèmes de conception.